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LA VIE ET LA MORT D'UNE DANSEUSE
Auteur : Catulle Mendès
A douze ans, la signorina Marietta Dall’ Oro dansait les papillons et les sylphes au théâtre Saint-Charles, à Naples. Par miracle, elle n’avait pas l’air souffreteux qui distingue communément les baladines de son âge, créatures anormales, vaguement désireuses de lumière vive et de vagabondages dans les bois, opprimées par le monde artificiel où elles se débattent. Marietta, démesurément précoce, portait en elle assez de sève pour suppléer aux causes extérieures d’épanouissement ; elle avait grimpé aux arbres des portants et s’était chauffée au soleil des toiles de fond. Coiffée d’églantines blanches, vêtue de crêpe rose, toute rose, toute blanche, elle montrait des épaules délicatement charnues ; ses bras, quoique un peu grêles, ne rappelaient en rien la rigidité virginale qui perce au coude la manche des jeunes personnes ; on remarquait sa cuisse déjà musculeuse et son genou nerveux comme celui d’un poulain calabrais. Il y avait au théâtre un certain Gugliemo Tiradritto, danseur naguère illustre, qui s’était cassé la jambe droite au plus beau temps de sa gloire, en escaladant par mégarde le mur d’un couvent de filles, à Bologne ; d’où s’ensuivit qu’il béquilla cruellement jusqu’à la fin de ses jours ; mais la jambe qui lui restait avait du génie pour deux.

Référence : La bibliothèque électronique de Lisieux
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